Baisse des dépenses des collectivités : ça sent le Sapin !

C'était une annonce forte de l'exécutif au moment de la Conférence des territoires de juillet : la contribution des collectivités locales à la baisse des dépenses publiques à hauteur de 13 milliards d'€ sur la durée du mandat présidentiel. Je vous informais ici de cet événement en même temps que je vous faisais part de mon scepticisme sur la méthode.

Nous en savons un peu plus aujourd'hui puisque le Ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et le Ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, recevaient vendredi 22 place Beauveau les associations d'élus locaux pour leur présenter les grandes lignes du projet de budget 2018. A la lecture du comte rendu de cette rencontre dans la Gazette des communes, impossible ne ne pas penser aux acrobaties mathématiques et intellectuelles de Michel Sapin commentant, lorsqu'il était en fonction, "l'inversion de la courbe du chômage".

En effet, il apparaît finalement que les collectivités devront réaliser 13 milliards d'euros d'économie par rapport à leur "trajectoire spontanée". Autrement dit, les dépenses devront augmenter de 13 milliards de moins que leur tendance naturelle ; est donc visée, en guise d'économie, une augmentation de 1,2%/an + inflation. Vous suivez ? Non ? C'est normal, relisez après un deuxième café.

Sur le fond, pas de quoi crier au scandale : les collectivités sont, par contrainte comptable, gérées de manière beaucoup plus équilibrée que l'Etat et ont déjà été fortement mises à contribution par lui ces 4 dernières années par plus de 10 milliards d'€ de ponction sur leurs dotations. Par ailleurs, de par la Constitution, elles s'administrent librement, hors de toute tutelle de l'Etat, ce qui implique une liberté dans la gestion de leurs dépenses.

Mais on s'interroge devant les effets d'annonce et la méthode envisagée. Sur les effets d'annonce, pourquoi en effet mettre en avant plusieurs mois durant un chiffre d'économies dont on précise in fine qu'il consistera en fait en un simple "effort" au regard d'une trajectoire spontanée ? Et est-il bien raisonnable de considérer que la trajectoire passée est la trajectoire spontanée du futur, alors même qu'on promet dans le même temps un allègement des normes pesant sur les collectivités ? On a comme l'impression que la montagne accouche d'une souris.

Sur la méthode ensuite, toutes les collectivités ne seront pas concernées : l'Etat contractualisera avec les 319 plus grandes d'entre elles : régions, départements, métropoles, grandes villes et grandes intercommunalités. Les bons élèves seront récompensés par une dotation supplémentaire pour porter des projets d'investissement (et non pas sur le fonctionnement), les mauvais élèves seront pénalisés.

En d'autres termes, et selon les propres mots de M. Darmanin, les collectivités réduisant leurs dépenses de fonctionnement ne sont pas appelées à réduire concomitamment leurs recettes (fiscales ou dotations d'Etat), mais à augmenter l'autofinancement de leurs investissements et ainsi moins recourir à l'emprunt. La position de l'Etat n'est donc pas dictée par une vision de ce que devrait être une gestion vertueuse des collectivités (dont les niveaux d'endettement sont très raisonnables), mais par une volonté de réduire leur dette, qui entre en compte pour le calcul des "critères de Maastricht". Petit tour de passe passe de l'Etat pour réduire le niveau d'endettement global de la nation en limitant d'autant ses propres efforts, puisque nos engagements européens ne portent pas sur la seule dette de l'Etat, mais l'ensemble de la dette des administrations publiques.

La cerise sur le gâteau, puisqu'il est question de contractualisation afin de prendre en considération les situations particulières de chaque collectivité (une bonne intention mais un vœu pieu), c'est le positionnement des Préfets en tant que "managers territoriaux", sous la bannière "un Préfet fort, une collectivité forte". Sans remettre en question la qualité des représentants de l'Etat dans nos départements, quand on connaît l'état de leurs effectifs et leur culture très jacobine, cela ne peut que prêter à sourire. Je vois mal quelles équipes les Préfets pourront mobiliser quand il faudra aller négocier pied à pied avec les directions financières des grandes collectivités. De savoureux moments en perspective à n'en pas douter.

J'espère me tromper, mais vraiment, cette affaire, ça sent le Sapin !

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