Macron – Philippe, un ticket chic et choc à la tête du Pays

Soyons clairs d’entrée de jeu, le propos de ce billet est de se réjouir de la nomination d’Edouard Philippe au poste de Premier Ministre d’Emmanuel Macron. Oui, je sais, par les temps qui courent, ce n’est pas très sexy de se réjouir de la perpétuation au sommet de l’Etat de l’élite de cette « énarchie » que l’on aime tant détester (les deux sont sortis dans « la botte », comme on dit, et ont intégré respectivement le Conseil d’Etat et l’Inspection des Finances, deux des corps les plus prestigieux).

Il est vrai que la mainmise des diplômés de l’ENA sur l’appareil politique, et la reproduction sociologique qu’elle porte, sont à l’origine sans doute de certains des maux que traverse notre pays, à commencer par la fameuse coupure entre « le peuple » et « les élites ». Je ne crois pas pour autant au déterminisme, en l’occurrence à l’idée que tout énarque serait par définition entaché d’un « péché originel » qu’il serait impossible de laver une fois son diplôme en poche. Allons plus loin, je pense même qu’il n’y a pas aujourd’hui d’alternative crédible à une présence forte (mais non exclusive) des diplômés de l’ENA en termes de compétence pour diriger le pays.

Alors, où le bât a-t-il blessé durant ces dernières décennies ? Nous avons besoin d’énarques, oui, mais pas de n’importe quels énarques. Ils doivent rassembler à mon sens un certain nombre de qualités que j’énumèrerais ainsi :
  • Une capacité à penser par eux-mêmes. Tout cursus éducatif (Université, Grandes Ecoles…) porte en lui qu’il le veuille ou non une culture propre, un « moule » si l’on veut, dans lequel il faut se fondre pour réussir. C’est le propre des meilleurs que de pouvoir ensuite s’en distancier au fil de leur parcours.
  • Une véritable culture économique : c’est une grande lacune des générations politiques précédentes, incontestablement. Nos nouveaux dirigeants me semblent sur ce sujet plus compétents que leurs prédécesseurs, et leurs parcours les ont amenés à se confronter à la réalité de la vie économique
  • Une dose de provincialisme ! Sans vouloir entrer dans la caricature de l’opposition entre Paris et « les régions », il y a sans doute du vrai dans la dénonciation d’un excès de parisianisme (mettez-y ce que vous voulez, c’est offert par la maison) au sein des classes dirigeantes. Le Président est originaire d’Amiens, le Premier Ministre est normand.
  • Une connexion avec le Peuple. Edouard Philippe est élu local, Maire d’une grande ville mais également Président d’une agglomération. Je connais ces fonctions pour travailler régulièrement avec des élus locaux. Elles l’ont nécessairement amené à être en contact avec les préoccupations quotidiennes de ses concitoyens. Pour Emmanuel Macron, l’affaire est un peu plus délicate à défendre : jamais élu avant la présidentielle, arrivant de la banque Rotschild, il a tout pour incarner le grand technocrate pantouflard coupé des réalités du terrain. J’ai pourtant, à titre personnel, grandement apprécié pendant la campagne son franc-parler, loin du politiquement correct (souvenez-vous de l’illettrisme et de l’alcoolisme dont se sont émus les beaux esprits), ou sa volonté de se confronter réellement, sans détours, à ses concitoyens
Jusqu’à présent, tout se passe comme si, dans un réflexe de survie, le Pays avait saisi une occasion unique de renouvellement que les circonstances de l’élection présidentielle ont bien voulu lui proposer. Le Président, après les petits loupés des investitures aux législatives dont il a pris grand soin de se tenir éloigné, a réussi la phase 2 de son opération en débauchant en quelque sorte son « double de droite », en fait comme lui un authentique centriste, moderne, libéral et rocardien.

La tâche qui attend les deux hommes est d’une grande difficulté. Elle commence par l’épreuve des législatives, et devra se poursuivre par la mise en place d’une politique de réformes qui libère les énergies et apaise les inquiétudes de nos concitoyens. Dans cet exercice, le Président et le Premier Ministre n’ont pas le droit à l’erreur : il leur faudra concilier l’exigence sur le fond et la bonne conduite de la manœuvre politique, qui s’avère plus que délicate, dans le contexte de recomposition qu'ils proposent. Gageons que ce ticket chic et choc saura prendre la mesure de ses responsabilités, et pourquoi pas – rêvons un peu ! – réconcilier le pays avec ses élites.

Commentaires

  1. Est-ce un hasard que deux descendants du courant de pensée Rocardien arrivent au pouvoir juste après sa disparition ? Ou un simple pied de nez à l'histoire ?

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    1. Bonjour,

      Merci pour votre question, plus complexe qu'il n'y paraît ! A vrai dire je n'ai pas la réponse, mais c'est en tout cas un signe de la victoire posthume de Rocard : je n'ai pas vu beaucoup les héritiers de Mitterrand dans la campagne...

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