Confiance dans la vie politique : deux lois et après ?

L'Assemblée Nationale vient d'adopter définitivement le 9 août le projet de Loi organique pour la confiance dans la vie politique, quelques jours après le projet de Loi pour la confiance dans la vie politique. Au-delà de la dualité de véhicules juridiques (loi simple + loi organique), il s'agit bien d'une démarche unique visant à rétablir la confiance que nous, citoyens, accordons à nos représentants. Ces textes étaient l'une des conditions de ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron.

On y trouve quelques mesures emblématiques telles que la fin de la réserve parlementaire (enveloppe allouée aux parlementaires pour subventionner des collectivités ou associations), la soumission des parlementaires à un régime de déclaration de frais plutôt que d'indemnité forfaitaire (autour de 6 000 € mensuels librement employés jusqu'ici par les parlementaires), la limitation des conflits d'intérêt entre les fonctions de parlementaire et certaines activités de conseil ou de lobbying, le contrôle fiscal des parlementaires en début de mandat ou encore l'interdiction des emplois familiaux (liste non exhaustive).

Difficile de ne pas souscrire dans l'ensemble à ces mesures dans le contexte actuel, difficile de croire également qu'elles seront à la hauteur de l'objectif fixé par le titre même de ces textes.

La défiance de nos concitoyens dans la classe politique peut se résumer par deux sentiments qui, pour être caricaturaux, n'en sont pas moins profondément ancrés dans l'opinion : "tous pourris", mais aussi "tous incompétents". Cette défiance croissante n'est pas due principalement à l'imperfection des textes encadrant la pratique politique, mais au décalage de plus en plus perceptible entre l'impuissance de l'Etat et le poids des contraintes qu'il impose à la société.

Chacun d'entre nous est, en effet, en fonction de ses idées et de ses intérêts, prêt à accepter un niveau plus ou moins élevé de contrainte (fiscale, réglementaire...) en vue de participer à la réalisation d'objectifs d'intérêt général partagés, garantissant un certain niveau de solidarité permettant la vie en société : ce qu'on appelle le contrat social. Dès lors que la majorité de la population a le sentiment que le contrat est globalement rempli, elle est moins regardante sur les prérogatives et privilèges de la classe politique ; quand elle a le sentiment que le contrat n'est plus rempli, les passe-droits lui deviennent naturellement insupportables.

Nous sommes dans cette situation, et l'impuissance de l'Etat a des causes profondes difficiles à résumer dans ce court article, mais que je vous invite à réfléchir via deux ouvrages dont je vous recommande la lecture par ailleurs. La classe politique "traditionnelle" est vue par la société française comme un parasite qu'elle a choisi d'éradiquer lors de la dernière séquence électorale, en renouvelant profondément le personnel politique. Le rétablissement de la confiance passe désormais par une démarche globale de réhabilitation du politique, qui repose davantage sur la mise en oeuvre des réformes attendues par le pays que sur une loi de rétablissement de la confiance dont on ne peut que se réjouir, mais qui n'est pas à elle seule à la hauteur de l'enjeu. La confiance ne se décrète pas, ou plutôt ne se légifère pas : elle est longue à gagner, et rapide à perdre.

On prête à Avicenne, le grand savant persan du XIème siècle, le mérite d'avoir établi une règle essentielle de la médecine moderne, selon laquelle il est nécessaire de s'attaquer aux causes de la maladie davantage qu'à ses symptômes : "Si le symptôme devient urgent, on abandonnera le soin de la maladie pour soigner le symptôme". C'est un peu l'effet que me fait cette loi de confiance dans la vie politique. Le symptôme est traité, au moins en partie. Attaquons-nous maintenant à la maladie.

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