Droit du travail : les ordonnances du Dr Philippe

C'est l'un des gros morceaux annoncés du début de ce quinquennat : la réforme du droit du travail a été présentée par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud ce 31 août. Objectif : "renforcer le dialogue social". Le sujet est touffu et complexe, je n'aurai pas la prétention sur ce modeste blog de commenter l'intégralité des mesures prévues par les ordonnances. Quelques remarques simplement.

En premier lieu, ces ordonnances ne sont censées représenter qu'une petite partie du programme de Macron en termes d'économie et d'emploi, celle relative au dialogue social.


Pas étonnant donc que le Premier Ministre ouvre le parapluie en annonçant d'entrée de jeu qu'il ne faut pas en attendre un effet massif sur l'emploi. C'est un peu le hic : en dépit de l'ambition affichée, on peine à trouver à la lecture des principales dispositions de ces ordonnances des raisons d'espérer une réelle mise en mouvement du marché du travail. Pas de conversion vraiment convaincante à la fléxisécurité (contrat de travail unique), pas de remède spécifique au chômage des jeunes (SMIC jeune ?), un cancer qui ronge notre pays...

Pour autant, à défaut de grandes réformes structurelles, quelques mesures fortes et pragmatiques, attendues et saluées par les PME, assorties de compensations demandées par les syndicats. Le mot d'ordre : descendre le champ de la négociation le plus possible au niveau de l'entreprise ou de la branche plutôt qu'au niveau national et interprofessionnel. L'objectif : permettre aux entreprises et salariés de s'entendre sur des accords prenant en compte les spécificités de chaque secteur d'activité ou de chaque entreprise, mais aussi contourner le poids manifestement excessif des grandes centrales syndicales, qui ne représentent que 8% des salariés, soit le taux de syndicalisation le plus faible de toute l'Union européenne... Ainsi les TPE/PME qui n'ont pas de représentants syndicaux parmi leur personnel pourront désormais passer des accords avec les délégués du personnel sans passer par le mandatement auprès d'un salarié auprès d'un syndicat. La pilule est difficile à avaler pour les syndicats dits "représentatifs", mais qui, il faut bien l'admettre, ne représentent pas grand monde.

A signaler également les dispositions prévoyant une plus grande lisibilité pour les entreprises sur les conséquences d'un licenciement abusif, via le plafonnement des indemnités prud’homales, en contrepartie de l'augmentation des indemnités légales de licenciement. Objectif affiché : ne pas faire de l'imprévisibilité des coûts de licenciement un frein à l'embauche.

Autre mesure intéressante : le droit au télétravail, désormais l'employeur qui voudra s'opposer au télétravail devra faire la preuve de l'impossibilité de celui-ci. Pas la mesure la plus commentée, mais peut-être celle qui bouleversera le plus à terme le quotidien des travailleurs et des entreprises.

Cette revue n'est pas exhaustive, vous trouverez des explications bien plus détaillées dans la presse. On peut en tout cas à mon sens tirer les conclusions suivantes des annonces du jour :
  • Satisfaction affichée du patronat, division du front syndical avec notamment une position tout en retenue de FO, et quasi-unanimité pour saluer la qualité de la concertation (preuve que les ordonnances n'induisaient pas une réforme unilatérale) : c'est à ce stade (et en attendant l'épreuve de la rue, préparée avec énergie par le nouveau "king" du populisme en France, Jean-Luc Mélenchon) une belle réussite pour le Président Macron et le gouvernement Philippe
  • En tant que salarié, et comme des millions d'autres, je me réjouis personnellement de la "désintermédiation" que représente la marginalisation du rôle des syndicats dans les petites entreprises 
  • Je suis personnellement convaincu que l'argument du "frein à l'embauche" que constituent les coûts des licenciements n'est pas un argument d'opportunité pour les très petites entreprises, mais correspond à une réalité économique (les patrons qui se paient moins que leurs salariés savent de quoi je parle)
  • Au total, sans doute un pas dans le bon sens pour restaurer la compétitivité de notre économie, mais est-ce vraiment à la hauteur de l'enjeu ? Assistera-t-on en parallèle à une réforme des règles (durée légale, salaire minimum, forme du contrat de travail) qui restent du domaine de la loi ? A priori non, à la lecture du programme du candidat Macron
La suite sera certainement beaucoup moins médiatisée (quel bilan dans quelques années des négociations de branche ou d'entreprise ? Quel effet sur l'emploi ? Sur la vie quotidienne des français ?), mais promis, Humeurs Politiques fera tout pour vous maintenir informés !

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