Appel au boycott - débat du 22 mai sur France 2 pour les élections européennes

Bonjour à tous,

Me revoilà après quelques mois de silence, eh oui c'est le principe d'humeurs politiques : j'écris quand j'ai envie et surtout quand il se passe quelque chose, et il faut dire qu'avec le grand débat il ne s'est vraiment pas passé grand chose depuis le début de l'année...

Mais voilà qu'arrivent les élections européennes et le scandale démocratique que nous inflige la télévision soi-disant de service public : le débat du 22 mai, compte tenu du nombre de candidats, sera coupé en deux parties, d'abord en prime time les candidats "les plus importants" (sur la base des sondages), ensuite les autres (et pas tous les autres d'ailleurs, certaines listes ne sont pas représentées). Motif : un débat avec trop de candidats ne serait pas gérable ni lisible.

Le motif avancé est juste, la solution proposée est, sinon une manoeuvre politique commandée par le pouvoir (argument des déçus de l'affaire), à tout le moins une faute majeure de la part de France 2. D'autres options existaient, comme le tirage au sort assorti d'une répartition sur 2 ou 3 soirs.

Je ne sais pas pour qui je voterai à ces élections, je n'ai pas de candidat préféré à défendre dans l'affaire. Mais j'attends de la télévision de service public qu'elle nous permette d'entendre sur un pied d'égalité tous les candidats, même les petits - surtout les petits en fait. On connaît assez bien le positionnement des principaux acteurs, ce type d'émissions est l'occasion d'entendre de nouvelles voix, des positionnements originaux qui ne peuvent s'exprimer tout au long de l'année. Très honnêtement et bien que je ne partage pas du tout sa ligne, qui peut dire qu'un François Asselineau par exemple n'a pas apporté un peu de sel à la dernière campagne présidentielle ?

Mais le message implicitement envoyé par France 2 est que ces candidats sont "marginaux", "peu crédibles", qu'on leur donne du temps de parole car on y est bien obligé mais que "le vrai débat est ailleurs"... L'autre conséquence est que l'on ne voit pas bien, dans ces conditions d'expression à minima, comment ces candidats pourraient rattraper les autres dans les sondages : on part du constat d'un écart et on fait tout pour le consolider et l'accentuer.

Ce faisant on démontre que l'on n'a rien retenu de la dernière présidentielle : le système politico-médiatique continue de s'auto-promouvoir. Les têtes ont changé (ça fait bizarre de voir nombre d'inconnus dans le prime time et des poids lourds comme Hamon, dans une moindre mesure Lagarde et Francis Lalanne en seconde partie) mais le système reste le même : on ne permet pas l'expression minoritaire, décalée, et on reconstitue des blocs de pensée homogènes, "marketés", qui aujourd'hui correspondent au positionnement de la plupart des français puisqu'ils ont été refondus il y a deux ans après l'implosion du système, mais qui vont inévitablement, le temps passant, engendrer la même coupure démocratique à laquelle on espérait avoir mis fin.

C'est donc parti pour 30 ans avec En Marche, le RN, la France Insoumise, Les Républicains, David Pujadas, Léa Salamé, Thomas Sotto et consorts. Quand ces derniers auront l'âge d'Elkabbach et Duhamel, ils se soucieront bien peu d'avoir contribué à ce nouveau décalage entre le système politique et la population.

L'histoire montre que les idées neuves ont toujours fini par percer : on a beaucoup raillé les "deux français sur trois" de Giscard puis la personne de Bayrou, le centrisme (le centre-gauche) est aujourd'hui au pouvoir. Les partis écologistes ont longtemps été moqués (ceux de gauche) ou ignorés (l'écologie "de droite" de Corinne Lepage), depuis Borloo et le Grenelle la question est devenue centrale dans le débat politique même si les ambitions affichées peuvent sembler décevantes. Mais à chaque fois, la percée est venue des français ou d'hommes ou de femmes politiques, jamais des médias principaux qui sont une véritable machine à produire du conformisme.

En conséquence de quoi, et même si je sais que vous vous passionnez absolument pour ces élections européennes, que vous attendez avec impatience cette soirée du 22 mai que vous aviez notée de longue date sur votre agenda, je vous invite donc à ce douloureux sacrifice : comme moi, boycottez cette parodie de démocratie. Profitez-en pour vous faire un burger quizz avec Alain Chabat, regarder 2-3 épisodes de votre série Netflix préférée, ou encore mieux éteindre votre télé et vous plonger dans un vrai bon bouquin d'analyse politique.

Et n'oubliez pas d'aller voter, pour Pierre, Paul ou Jacques (ou Francis Lalanne) mais en n'oubliant pas que malgré toutes ses imperfections, l'Union européenne est un bien précieux, qu'il nous faut profondément refonder mais absolument conserver et renforcer.