Voilà, c'était maintenant...

Il y a deux ans sur ce blog, je vous annonçais la fin de l'illusion multilatérale à l'issue du G7. A l'occasion d'un discours plein de responsabilité sur la crise du coronavirus, notre Président vient de glisser quelques phrases marquantes, que l'on n'attendait pas forcément dans ce contexte et qui confirment au grand jour cette hypothèse.

Emmanuel Macron souhaite en effet "interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour". Il évoque "des biens et des services qui doivent être placés en-dehors du marché".

"Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d'autres est une folie", ajoute-t-il. "Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous le faisons déjà une France et une Europe souveraines, qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens".

Chacun sentait confusément que cette crise sanitaire mettait en cause d'une manière ou d'une autre l'ouverture internationale. Mais nous sentions tout aussi confusément que les réponses à la propagation de l'épidémie ne pouvait relever d'une approche économique protectionniste "classique", et pas davantage d'une illusoire fermeture des frontières. Tout au plus pouvait-on considérer que les entreprises multinationales, d'elles-mêmes, acteraient plus encore qu'elles ne le font déjà les limites d'une segmentation excessive des chaînes de production.

Mais voilà que notre Président, après avoir égrené des mesures sans doute nécessaires concernant le volet sanitaire de la crise et le soutien à l'activité, nous surprend soudainement. On peut sans doute faire longuement l'exégèse des phrases que j'ai citées, et qui restent à certains égards énigmatiques. Mais comment ne pas voir qu'elles vont bien au-delà des conséquences de la crise du coronavirus et dessinent un virage économique majeur ?

Macron a visiblement le sens de l'Histoire. Il saisit au vol l'événement pour annoncer une rupture stratégique majeure qu'autrement il n'aurait sans doute pas pu porter. Il parle aux français dans la langue que nombre d'entre eux attendaient. Et ce faisant, s'inscrivant dans la tendance lourde que j'évoquais il y a deux ans, il prononce sans doute l'acte de décès d'une certaine mondialisation, car désormais peu de pays qui comptent la soutiennent encore en l'état.

Espérons simplement qu'il ne jettera pas le bébé avec l'eau du bain. Il va maintenant falloir rentrer dans le débat d'idées un peu précisément. Distinguer les notions, dire par exemple que le libéralisme, ce n'est pas la même chose que le libre-échange. Que le localisme, ce n'est pas la même chose que le protectionnisme ou encore la xénophobie. Que les échanges internationaux peuvent être bons pour certaines choses, et moins pour d'autres. Que la gestion privée des services publics, bien contrôlée, n'a rien à voir avec un abandon de souveraineté ou de pouvoir de la part des instances publiques.

Personnellement, au coeur de la crise sanitaire et de l'annonce des mesures qui vont bouleverser nos vies dans les semaines à venir, ce sont ces quelques phrases énigmatiques qui m'ont le plus marquées. Je crois que nous venons d'assister à un moment de politique nationale décisif, dont on reparlera dans de longues années.

To be continued...

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